Pascal François est devenu depuis quelques années le spécialiste incontournable dans la modération de ce qu’est appelé en Région wallonne une « RIP ». Rappelons qu’une RIP est une Réunion d’Information Préalable qui réunit du public en salle au moment du lancement de l’étude d’incidences sur l’environnement. Il s’agit d’un dispositif contraignant prévu par la Région wallonne pour tout projet nécessitant un permis de classe 1. Rencontre.

 

Vous rappelez-vous dans quelles circonstances vous avez modéré votre première RIP ?

Très bien. J’ai été amené à remplacer Jacques Bredael (ancien journaliste de la RTBF télévision) pour Electrabel à l’époque. Je me suis retrouvé du côté de Ouffet, dans une soirée mémorable car le projet présenté soulevait une très vive, voire une virulente opposition. C’était l’époque où « Vent de Raison » mobilisait la toute grande foule, majoritairement hostile au développement de projets éoliens. Autant dire que je suis rentré dans le vif du sujet sans aucun sas de décompression. J’ai tenté d’amener un cadre, une méthode, … J’ai surtout pris le parti et je n’ai plus jamais changé ma façon de faire, de me tenir en salle, dans le public, micro à la main. Le bouche à oreille a rapidement fait son effet dans le petit milieu de l’éolien francophone au point d’obtenir de plus en plus de contrats, avec un nombre toujours plus important de développeurs.

 

A votre avis, qu’est-ce qui vous donne de la légitimité dans ce cadre-là ?

Sans aucun doute le fait d’avoir été journaliste et singulièrement en radio et télévision, face à du public. Le fait de diriger des sociétés de communication. Et puis enfin, le fait d’avoir la quarantaine accomplie qui me donne sans doute une certaine autorité. Certains diront que ma voix grave peut être considérée comme un outil de modération à part entière, qui m’aide à rester maître des débats.

 

Y a-t-il des conditions qui font qu’une RIP se passe plus ou moins bien ?

Oui. Une RIP c’est, de mon point de vue, un exercice de style qui nécessite un dispositif bien rôdé. Cela va de la position des chaises en salle en passant par le placement judicieux des différents orateurs (représentant(s) du promoteur et représentant(s) du bureau d’étude). Il faut à mon sens que la commune reste à distance du promoteur et du bureau d’étude. En effet, les autorités communales n’ont qu’une obligation, celle de permettre la tenue d’une telle soirée légalement imposée par la Région wallonne. Il n’est pas concevable, à ce stade de la procédure, d’exposer l’autorité communale qui est censée le plus souvent prendre connaissance, comme la population, de ce qui est un avant-projet. Ensuite, il faut une bonne sonorisation, de bonnes conditions de projection et une présentation la plus esthétique et claire possible pour que la population et les riverains puissent situer très clairement l’implantation d’un projet. Car au final, ce qui intéresse les gens, c’est bel et bien l’endroit où se trouvera le projet. Enfin, le modérateur doit impérativement fixer les règles du jeu et rejeter toute question ou remarque qui n’ont aucun lien avec ce qui peut être étudié dans le cadre de l’étude d’incidence sur l’environnement. J’ai souvent coutume de dire que s’exprimer en disant qu’on est contre l’éolien, ça peut juste faire du bien, c’est éventuellement thérapeutique mais ça ne sert strictement à rien dans le cadre d’une RIP. Mon rôle consiste à reformuler du mieux possible des questions, remarques, suggestions et alternatives émises par les personnes en salle tout en gardant une nécessaire neutralité.

 

Est-ce que sans modérateur, une soirée « dégénère » forcément ?

A nouveau, de mon expérience, la réponse est incontestablement oui. Il faut se rendre compte que la majorité des gens qui assistent à ces soirées officielles sont des « opposants » ou des personnes sceptiques, qui peuvent formuler leurs craintes de manière relativement agressive. Si un professionnel n’est pas là pour cadrer et canaliser les débats, une telle soirée peut vite tourner au cauchemar, faute de cadre.

 

Enfin, quelle est votre petite touche en plus ? Qu’est-ce qui vous différencie ?

Une soirée n’est pas l’autre mais il y a une constante, c’est que je respecte tous les interlocuteurs à qui je suis amené à donner la parole. Ce qui me distingue de la plupart de mes concurrents aussi, c’est d’essayer, dès que c’est possible, même quand le débat est tendu, de les dépressuriser par l’humour.